Une fois n’est pas coutume, nous allons vous parler d’un modèle qui n’est au catalogue d’aucun constructeur et que l’on ne trouve pas dans les livres… Pourtant, il s’agit de l’un des camions les plus étonnants du monde. Comme toutes ses roues peuvent être motrices, nous nous sommes dit que nous pourrions vous en parler ?
Le camion ne se trouve pas dans les gammes des constructeurs car il a été conçu pour une utilisation très précise : le projet ITER. Nous vous laissons découvrir ce projet directement sur leur site si vous voulez des informations détaillées. Sinon, retenez que pour construire le plus gros tokamak du monde dans le sud de la France, 35 pays s’unissent et y expédient 10 millions de pièces à travers 250 convois depuis janvier 2014. Certains éléments sont aussi gros que le projet est ambitieux ! Par exemple, un morceau de chambre à vide est arrivé de Corée en 2019. Poids ? 440 tonnes. Le plus gros convoi pèsera… 800 tonnes ! Le plus grand mesurera 10m de haut (comme un immeuble de 2 étages). Le plus long mesurera… 33 mètres !
Voyons donc comment cela se passe. Bien évidemment, toutes ces choses arrivent d’abord par voie maritime, et sont déchargées tout près de Marseille. Ensuite, les éléments traversent sur une barge la ville de Martigues puis l’étang de Berre. C’est ensuite que cela devient rigolo : on bascule sur l’itinéraire ITER et ses véhicules !
Cet itinéraire mesure 104 km et a été dessiné en tenant compte des caractéristiques de poids, de longueur ou de hauteur des objets transportés. Lorsque c’est possible, il emprunte des voies déjà existantes. Celles-ci ont été adaptées : les voies sont élargies, les panneaux de signalisation rendus démontables tandis que la plupart des rond-points profitent d’un by-pass qui permet de les traverser plutôt que d’en faire le tour.
Lorsque c’est nécessaire, l’itinéraire utilise une Piste ITER dédiée. C’est le cas pour contourner plusieurs villages, ou pour franchir des cours d’eau et une voie de chemin de fer. Par ailleurs, il y a des refuges permettant de parquer le convoi durant la journée : il ne roule que la nuit. Il en faut en général quatre pour arriver à destination. Et surtout… l’itinéraire traverse des autoroutes à 3 reprises (elle sont momentanément fermées à cette occasion) et en parcourt même une en sens inverse pendant 500 mètres !
Evidemment, aucun camion n’existe aux catalogues des constructeurs pour une telle mission de transport. Daher, qui a en charge le transport, a donc dû trouver une solution à cela. Il s’agit d’une remorque assez folle, totalement modulaire. En fonction des caractéristiques de l’objet, on peut donc ajouter ou agencer des modules. Elle pourra au besoin comporter des roues sur toute la longueur du chargement mais aussi sur toute la largeur. Ainsi, on a dénombré jusqu’à 352 roues ! Chaque d’entre-elles est directrice.
Le plus souvent, un camion (en général Mercedes ou Volvo) 6 roues se trouve à l’avant et anime cette sorte de barge routière. Il est relié à la remorque par une très grosse barre de remorquage. A l’arrière de la remorque se trouve un camion identique qui agit en poussée via une autre barre. Pour gravir la rampe la plus importante (pour repasser de l’A51 à la D96, après le pont de Mirabeau), un second Mercedes tracteur vient en renfort à l’avant ! Pour renforcer la motricité, les essieux arrière dont fortement lestés.
Ce n’est pas tout. Modulaire, la remorque peut également être autopropulsée. Dans ces cas extrêmes, une cabine de pilotage s’installe à chaque extrémité de la remorque. Pour les passages difficiles, la remorque peut être manoeuvrée de l’extérieur avec une télécommande. Grace à ses deux postes de pilotage, elle est réversible car (toujours après le pont de Mirabeau) elle va changer deux fois de sens de circulation en quelques minutes. Changer de sens se fait… sans brutalité : le convoi évolue à une vitesse moyenne de 5 km/h. Les gendarmes sont présents en permanence mais il est clair que ça n’est pas pour mesurer la vitesse.
Une fois arrivé à destination, sur le site du projet ITER, l’étonnante remorque est bien entendu déchargée. Ensuite, elle ne fait pas le chemin dans le sens retour. En effet, sa structure modulaire lui permet d’être démontée. Elle sera donc ramenée sur son lieu de départ par l’intermédiaire de plusieurs semi-remorques !
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Texte & photos : Manu Bordonado